Depuis le début des années 1970, les lois destinées à encadrer le développement
de la grande distribution (lois Royer et Raffarin) et à protéger ses
petits concurrents et ses fournisseurs (loi Galland) se sont accumulées. Leurs
effets inflationnistes sont aujourd’hui dénoncés, et une vague de réformes
récentes a fait marche arrière en allant vers une déréglementation du secteur.
Notre étude a pour objectif de clarifier les termes du débat actuel sur
les réformes de la législation dans le secteur de la distribution, en particulier
le projet de loi de modernisation de l’économie. L’analyse se concentre sur
la loi Galland en rappelant d’abord son contenu, ses objectifs affichés, et en
expliquant en détail la façon dont elle a pu entraîner une hausse des prix à
la consommation. Dans un premier temps, nous montrons que si le principe
même de l’interdiction de la revente à perte peut contribuer à la hausse
des prix, l’effet inflationniste le plus marquant provient de ce que la loi
Galland, en fixant le seuil de revente à perte (SRP) au prix unitaire sur
facture hors marge arrière, a permis aux producteurs d’imposer des prix de
revente minimum à leurs distributeurs. Or cette pratique est normalement
interdite dans le droit de la concurrence aussi bien en France qu’en Europe
en raison de ses effets néfastes pour les consommateurs.
À la lumière d’analyses économiques théoriques et empiriques, nous
montrons comment la mise en place de prix planchers engendrée par la loi
Galland peut expliquer la hausse des marges arrière et surtout des prix de
détail. Les lois Dutreil II (2005) et Châtel (2008) ont progressivement
abaissé le seuil de revente à perte au niveau du prix dit « triple net » (prix sur
facture déduction faite de tous les rabais, remises, ristournes et coopération
commerciale consentis par le producteur au distributeur pour le produit). Ce
changement devrait donc suffire à pallier l’essentiel des effets pervers de la
loi Galland. Sur ce point, le projet de loi de modernisation de l’économie propose d’aller plus loin en autorisant la négociation des conditions générales de
ventes (CGV). Cette réforme, qui rend caduques les marges arrière, semble
cependant faire double emploi avec les lois Dutreil II et Châtel. Par ailleurs,
en rendant plus licites les pratiques de discrimination des producteurs à
l’égard des distributeurs, elle risque de renforcer les problèmes d’exclusion
des PME fournissant la grande distribution.
Si la redéfinition du seuil de revente à perte et la suppression des marges
arrière n’ont pas conduit à la spectaculaire baisse des prix escomptée par
le gouvernement, cela tient sans doute plus à l’existence de quasi-monopoles
dans un grand nombre de zones de chalandise, comme l’attestent plusieurs
études récentes, qu’à l’impossibilité qui est faite aux distributeurs de négocier
directement les conditions générales de vente des fournisseurs. Il est donc
primordial de rétablir une véritable concurrence locale dans le secteur de la
distribution française. La réforme de la loi Raffarin proposée dans le projet
de loi de modernisation de l’économie (relèvement de 300 à 1000 m2 du
seuil au-delà duquel l’ouverture est soumise à autorisation) nous paraît
essentielle mais malheureusement très insuffisante. Il faut prioritairement
s’attaquer aux monopoles locaux en empêchant les grands distributeurs de
se développer dans les zones où ils sont déjà très présents et en favorisant
l’entrée de nouveaux acteurs et le développement des hard discounters.